jeudi 3 septembre 2015

Qui sauve une vie...





Il y a des jours comme cela…

Des jours où nous ne devrions pas ouvrir un journal.

Des jours où nous ne devrions pas allumer la radio ou le téléviseur… 
Il y a des jours où les informations, les images viennent se percuter, nous rappeler l’ignominie de ce monde, interpeller nos consciences. Et ce jeudi 3 septembre est assurément l’un de ces jours où deux informations livrées en vrac, parmi d’autres, dans le flot du quotidien de nos vies, nous font nous interroger sur la voie dans laquelle notre société s’engage peu à peu… Celle de l’horreur et de son acceptation, celle de l’intolérance et des mots abjects qui si souvent vont avec. 
Il y a des jours où le simple prononcé du mot « FRATERNITE », figurant pourtant dans la devise de la République française, vous ferait recevoir un tombereau d’insultes…

Ce jeudi 3 septembre nous donne à voir sur papier glaçant, en mondovision, l’image d’un enfant syrien ballotté par le clapotis des vagues d’une mer qui vient de rejeter son corps sans vie sur une plage de Turquie. 
Cet enfant s’appelait Aylan Kurdi.

Il était bien trop jeune pour comprendre ce monde à la dérive où le siècle des Lumières semble céder peu à peu la place à un retour aux siècles de nuit dans lesquels les hommes et les civilisations se sont si souvent égarés au cours de l’histoire. 
Il était l’une de ces victimes anonymes qui chaque jour sombrent dans l’indifférence d’une Europe presque absente à gérer et traiter les conséquences de conflits guerriers qu’elle a pourtant contribué à faire éclater en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Libye ou ailleurs en Afrique.

Ce jeudi 3 septembre nous donne à lire les résultats très commentés en pareil contexte d’un sondage commandé par la chaîne BFMTV et selon lequel 56% des français sont opposés à l’accueil de migrants et de réfugiés sur le territoire français… 
Certains de ceux là vocifèrent sans doute à la fin de certains meetings politiques : « On est chez nous ! – On est chez nous ! ». 
Ils en oublient sans doute au passage l’un des fondements essentiels du  pays des Droits de l’Homme, du pays de Voltaire et d’Hugo, de la France dont si souvent ils usurpent le prestige et que le beau mot de FRATERNITE gravé dans la pierre de nos édifices publics résume si bien en nous invitant au respect pour tout visage humain, à l’amitié pour toute main humaine.

56%... (91% chez les électeurs du Front National – 67% chez les sympathisants UMP/Les Républicains) de nos concitoyens opposés à laisser entrer sur notre sol une part de ces réfugiés et refusant donc de porter assistance à cette part de l’humanité qui a le visage et porte désormais le nom de Aylan Kurdi 
La seule évocation de ces résultats d’un sondage réalisé au cœur de cet été en dit long sur le recul des valeurs humanistes pourtant si étroitement associées au pays qui a vu naître la Déclaration des Droits de l’Homme.
En 1979 la France avait accueilli 130 000 Boat People Vietnamiens, Laotiens… Certains d’entre eux s’étaient notamment installés à Château-Thierry. A la fin des années 1990, la France avait également reçu des Kosovars. 
Ces réfugiés ont pu, le temps nécessaire, trouver chez nous une terre aimante, une terre d’asile, une terre de Fraternité… Une terre dont Thomas Jefferson disait : « Chaque homme a deux pays, le sien et la France… » 
Il n’est évidemment pas question d’accueillir « toute la misère du monde » en France. Mais comme le disait Michel Rocard : La France doit prendre sa part. 
Le 6 août dernier, en écrivant un article sur la commémoration de la bombe d’Hiroshima, je rappelais ces mots de Paul Eluard : « Les uns sont responsables de la vie. Nous en sommes. Les autres sont responsables de la mort et devraient être nos seuls ennemis. »...

Sauver une vie, c’est sauver l’humanité toute entière. 

Ne pas le faire serait renoncer à cette part d’humanité qui est en nous et oublier finalement, au-delà des frontières, des murs et des barbelés qui nous séparent, que nous sommes tous frères sur cette terre. 
Ne pas le faire serait renoncer à cette part d’humanité qui nous sépare et nous éloigne - mais pour combien de temps encore -  de la barbarie. 
Cessons de vouloir construire des murs entre les hommes là où l’urgence est bien de jeter des ponts pour les relier.

Epilogue :

La publication de la photographie du petit Aylan Kurdi a bouleversé l'opinion mondiale. Dans les jours qui suivirent, une majorité de français devenaient favorables à l'accueil de réfugiés Syriens... 24000 d'entre eux devraient être accueillis par la France sur deux années.




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