Il y a des jours comme cela…
Des jours où nous ne devrions pas
ouvrir un journal.
Des jours où nous ne devrions pas allumer la radio ou le
téléviseur…
Il y a des jours où les informations, les images viennent se
percuter, nous rappeler l’ignominie de ce monde, interpeller nos consciences.
Et ce jeudi 3 septembre est assurément l’un de ces jours où deux informations
livrées en vrac, parmi d’autres, dans le flot du quotidien de nos vies, nous font
nous interroger sur la voie dans laquelle notre société s’engage peu à peu…
Celle de l’horreur et de son acceptation, celle de l’intolérance et des mots
abjects qui si souvent vont avec.
Il y a des jours où le simple prononcé du mot
« FRATERNITE », figurant pourtant dans la devise de la République
française, vous ferait recevoir un tombereau d’insultes…
Ce jeudi 3 septembre
nous donne à voir sur papier glaçant, en mondovision, l’image d’un
enfant syrien ballotté par le clapotis des vagues d’une mer qui vient de rejeter
son corps sans vie sur une plage de Turquie.
Cet enfant s’appelait Aylan Kurdi.
Il était bien trop jeune pour comprendre ce monde à la dérive où le siècle des
Lumières semble céder peu à peu la place à un retour aux siècles de nuit dans
lesquels les hommes et les civilisations se sont si souvent égarés au cours de
l’histoire.
Il était l’une de ces victimes anonymes qui chaque jour sombrent
dans l’indifférence d’une Europe presque absente à gérer et traiter les
conséquences de conflits guerriers qu’elle a pourtant contribué à faire éclater
en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Libye ou ailleurs en Afrique.
Ce jeudi 3
septembre nous donne à lire les résultats très commentés en pareil contexte
d’un sondage commandé par la chaîne BFMTV et selon lequel 56% des français sont
opposés à l’accueil de migrants et de réfugiés sur le territoire français…
Certains de ceux là vocifèrent sans doute à la fin de certains meetings
politiques : « On est chez nous ! – On est chez
nous ! ».
Ils en oublient sans doute au passage l’un des fondements
essentiels du pays des Droits de
l’Homme, du pays de Voltaire et d’Hugo, de la France dont si souvent ils
usurpent le prestige et que le beau mot de FRATERNITE gravé dans la pierre de
nos édifices publics résume si bien en nous invitant au respect pour tout
visage humain, à l’amitié pour toute main humaine.
56%... (91% chez les électeurs du Front
National – 67% chez les sympathisants UMP/Les Républicains) de nos
concitoyens opposés à laisser entrer sur notre sol une part de ces réfugiés et
refusant donc de porter assistance à cette part de l’humanité qui a le visage
et porte désormais le nom de Aylan Kurdi ?
La seule évocation de ces
résultats d’un sondage réalisé au cœur de cet été en dit long sur le recul des
valeurs humanistes pourtant si étroitement associées au pays qui a vu naître la
Déclaration des Droits de l’Homme.
En 1979 la France avait accueilli
130 000 Boat People Vietnamiens, Laotiens… Certains d’entre eux s’étaient
notamment installés à Château-Thierry. A la fin des années 1990, la France
avait également reçu des Kosovars.
Ces réfugiés ont pu, le temps nécessaire,
trouver chez nous une terre aimante, une terre d’asile, une terre de Fraternité…
Une terre dont Thomas Jefferson disait : « Chaque homme a deux pays,
le sien et la France… »
Il n’est évidemment pas question d’accueillir
« toute la misère du monde » en France. Mais comme le disait Michel
Rocard : La France doit prendre sa part.
Le 6 août dernier, en écrivant un
article sur la commémoration de la bombe d’Hiroshima, je rappelais ces mots de
Paul Eluard : « Les uns sont responsables de la vie. Nous en sommes.
Les autres sont responsables de la mort et devraient être nos seuls
ennemis. »...
Sauver une vie, c’est sauver l’humanité toute entière.
Ne pas
le faire serait renoncer à cette part d’humanité qui est en nous et oublier
finalement, au-delà des frontières, des murs et des barbelés qui nous séparent,
que nous sommes tous frères sur cette terre.
Ne pas le faire serait renoncer à cette
part d’humanité qui nous sépare et nous éloigne - mais pour combien de temps encore - de la barbarie.
Cessons de vouloir
construire des murs entre les hommes là où l’urgence est bien de jeter des
ponts pour les relier.
Epilogue :
La publication de la photographie du petit Aylan Kurdi a bouleversé l'opinion mondiale. Dans les jours qui suivirent, une majorité de français devenaient favorables à l'accueil de réfugiés Syriens... 24000 d'entre eux devraient être accueillis par la France sur deux années.
Epilogue :
La publication de la photographie du petit Aylan Kurdi a bouleversé l'opinion mondiale. Dans les jours qui suivirent, une majorité de français devenaient favorables à l'accueil de réfugiés Syriens... 24000 d'entre eux devraient être accueillis par la France sur deux années.